Quand l’État envoie les blindés aux champs et laisse filer les réseaux



Dans les campagnes françaises, le grondement ne vient plus seulement des tracteurs. 

Il monte d’un sentiment de sidération. Des agriculteurs, pilier nourricier du pays, voient débarquer des unités lourdement équipées pour encadrer des colères sociales. Pendant ce temps, les narco-trafics prospèrent dans des quartiers entiers, imposant leurs lois, leurs armes, leurs économies parallèles. Le contraste heurte. Le malaise s’installe.

L’image est crue : la force publique, déployée avec rigueur face à des manifestants identifiés, visibles, déclarés , l’État plus hésitant, plus lent, face à des réseaux clandestins qui minent la République de l’intérieur. 

La question n’est pas de nier la nécessité de l’ordre public. 

Elle est de comprendre l’ordre des priorités.

Les agriculteurs réclament des prix justes, des règles cohérentes, la dignité du travail. 

Ils bloquent des routes, certes. 

Ils n’érigent pas des zones de non-droit. 

Les narcotrafiquants, eux, asphyxient des territoires, recrutent des adolescents, blanchissent des millions, tirent à l’arme de guerre. 

La menace n’est pas du même ordre. 

La réponse non plus ne devrait pas l’être.

Ce décalage nourrit une défiance profonde. 

Une société qui montre ses muscles face à ceux qui nourrissent, mais temporise face à ceux qui détruisent, donne le sentiment d’avoir perdu sa boussole morale. 

La République apparaît forte avec les faibles, prudente avec les violents organisés. 

Mauvais signal. 

Mauvaise pédagogie civique.

Il ne s’agit pas d’opposer les luttes, ni de dresser des hiérarchies simplistes. 

Il s’agit d’une cohérence. 

L’autorité n’est légitime que si elle protège d’abord contre les prédations les plus graves. 

La sécurité n’est crédible que si elle s’attaque aux causes structurelles , trafics, corruption, blanchiment, armes, argent. 

Le reste relève du théâtre.

Un vieux proverbe créole rappelle que « le grand arbre tombe quand ses racines pourrissent ». 

La France n’est pas un champ à tenir par la peur, mais une maison commune à réparer par la justice et la clarté. 

Redonner du sens à l’action publique, c’est choisir ses combats. 

Et surtout, expliquer pourquoi.

L’avenir se joue là , dans la capacité de l’État à être ferme sans être aveugle, puissant sans être brutal, courageux face aux vrais périls. 

Le pays attend moins de démonstrations que de décisions justes. 

Et il a faim de pain, de sécurité, et de confiance.


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