Il y a des matins où l’actualité ressemble à ces miroirs antiques légèrement bombés, selon l’angle, tout paraît vrai ,mais pas tout à fait.
L’information en France ,celle qu’on consomme en continu, celle qui passe du studio à nos oreilles avant même que le café ne refroidisse , semble parfois adopter les propriétés capricieuses d’un métal chauffé trop vite , elle se déforme, s’étire, se contracte et finit par prendre une “géométrie variable”.
Il ne s’agit pas ici d’accuser, mais de constater.
Une rédaction n’est jamais qu’un carrefour où se croisent vitesse, précaution, contraintes éditoriales, agendas politiques et ce drôle d’animal qu’est le lecteur moderne, avide de clarté mais prompt à zapper dès qu’on lui parle trop longtemps.
L’époque ne facilite rien.
Chaque fait devient prétexte à contre-fait, chaque nuance ressemble à une faiblesse, chaque hésitation, à une faute.
Et pourtant, c’est dans ces interstices que se cache la vérité, la vraie, celle qui n’est ni spectaculaire ni rentable, mais solide comme une pierre d’appui.
Ce qui frappe aujourd’hui, ce n’est pas tant le manque d’information que son élasticité.
Un même sujet peut être loupe ou périscope, tumeur ou poussière, selon l’heure, le contexte, l’invité du plateau.
L’opinion s’enroule autour du commentaire, comme une liane autour d’un tronc qu’elle finit par recouvrir.
Le citoyen, ce funambule de la démocratie s’y perd parfois.
Comment discerner l’essentiel dans ce fleuve de récits qui change de courant à chaque émission ?
Comment garder la tête froide lorsque l’émotion, reine du direct, impose sa dictature douce ?
Peut-être faut-il revenir à une sagesse ancienne, écouter sans se précipiter, douter sans se perdre, chercher la source plutôt que le torrent.
La presse n’est pas un oracle, mais un métier d’artisans.
Elle n’a pas besoin d’être parfaite, seulement sincère.
La France avance pourtant avec une faim de vérité qui n’a jamais disparu.
On la sent dans les cafés, dans les marchés, dans les messages des auditeurs qui, parfois, rappellent aux journalistes qu’ils ne sont ni des juges ni des prophètes, mais des passeurs.
On la sent aussi dans le public qui réclame, malgré tout, une information exigeante, ferme, respirante.
Dans un monde où tout se déforme, le plus grand acte de résistance reste peut-être de garder la ligne droite, la rigueur, la nuance, l’honnêteté.
Cela n’empêche ni la vivacité ni l’audace.
Les vérités les plus fortes ne crient pas, elles murmurent avec la gravité des choses simples.
La géométrie variable n’est pas une fatalité.
Elle est un rappel , le réel n’est jamais livré en kit.
À chacun de nous, journalistes, lecteurs, citoyens de réapprendre à tracer des contours stables au milieu des vibrations du monde.
Sous cette discipline se cache une promesse, une démocratie moins nerveuse, plus lucide et peut-être plus belle.
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