Liberté de la presse : L’éternelle tentation du pouvoir



Dans les couloirs feutrés des palais gouvernementaux, la presse demeure un convive paradoxal , indispensable pour la démocratie, gênant pour le pouvoir. 

À chaque alternance, la scène se rejoue. 

Les responsables politiques jurent défendre la liberté d’informer, tout en nourrissant l’idée de mieux “organiser” ceux qui en font usage. 

Le mot est rassurant. 

Son ombre beaucoup moins. 

Car l’histoire récente le montre, la ligne qui sépare l’encadrement du contrôle n’est pas une frontière, mais un fil ténu qui s’effiloche.

Les signaux qui s’accumulent en France et ailleurs ne trompent plus. 

Pressions budgétaires sur les médias fragiles, nominations “stratégiques” dans l’audiovisuel public, coups de fil discrets pour arrondir un titre ou revoir un angle, sans oublier la dépendance croissante à la publicité privée, qui peut faire vaciller une rédaction en un seul retrait de contrat. 

Rien d’esclatant, rien de spectaculaire. 

Le contrôle moderne ne claque pas comme une censure, il glisse. 

Il s’insinue. 

Il oriente.

Les journalistes avancent alors dans une réalité paradoxale, ils portent un devoir de vérité tout en travaillant sur un terrain instable. 

Certains tiennent bon, par conviction ou par entêtement.

 D’autres s’autocensurent, simplement pour survivre. 

Une enquête qui touche un annonceur puissant peut suffire à mettre un journal en péril. 

Le courage n’est pas toujours romanesque, il est souvent discret, même anonyme.

Pourtant, une vérité s’impose, certains dirigeants rêvent d’une presse docile. 

Pas d’un bâillon, trop voyant, trop rétrograde. 

Non : d’une presse “responsable”, “équilibrée”, c’est-à-dire moins critique qu’ils ne le voudraient. 

Une presse qui rassure plutôt qu’elle ne dérange. 

Une presse qui raconte la version polie du monde.

Cette tentation repose sur une illusion dangereuse. 

Une démocratie ne se gouverne pas avec des miroirs flatteurs. 

Elle se gouverne grâce à des éclaireurs. 

Et malgré les failles, ce sont encore les journalistes qui tiennent ces lampes, même lorsque leur lumière expose ce que le pouvoir préférait laisser dans l’ombre.

La relation entre médias et politiques reste un duel qui ne peut être aboli. 

Elle est même nécessaire. 

Le contre-pouvoir n’est pas un obstacle, c’est une respiration. 

Les dirigeants qui le comprennent résistent mieux à l’aveuglement que produit la solitude du pouvoir.

Car lorsqu’un gouvernement tente de maîtriser le récit, il trahit une faiblesse, la peur du réel. 

Or le réel finit toujours par revenir, comme la marée qui recouvre les constructions trop près du rivage.

La liberté de la presse n’est pas un symbole abstrait. 

C’est un test vital. 

Quand une société s’essouffle, elle en est la première victime. 

Quand une société se relève, elle en est la première preuve.

Un pays ne lit pas dans sa presse ce qui le rassure. 

Il y lit, quand elle est libre, ce qui le rend lucide. 

Et cette lucidité-là, inconfortable mais indispensable, demeure le socle de toute démocratie qui veut durer.


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