Dans un élan à la fois contemplatif et teinté d'ironie douce, une danse entre Noisy-le-Sec, ce quartier au passé lourd de cendres et de reconstruction et le film Barbie, objet de toutes les convoitises culturelles et de quelques censures farfelues.
Imaginez un lieu où les pierres semblent murmurer encore les rafales d’un bombardement du 18 avril 1944, la gare visée, les bombes s’égarent, la ville est déclarée « ville morte », des vies sont fauchées, des ruines laissées comme mémoire silencieuse .
Pourtant, à Noisy-le-Sec, le glas de l’histoire a fait place à l’aube de la reconstruction.
Dans la cité expérimentale du Merlan, cinquante-six pavillons prototypes, maisons de bois, béton, pierre, symbolisent un futur habité à partir des cendres .
C’est une ville qui n’invite pas au fantasme rose, mais qui accepte, dans le silence des barres et des balcons et des pavillons d’après-guerre, que l’espoir se fasse architecture.
Et là, entre ces blocs colorés de résilience, arrive Barbie, poupée mythique et blockbuster à un "Barbillion" de recettes, qui a eu le tort de briller un peu trop fort, selon certains gardiens invétérés de la morale.
Au Koweït : le comité de censure accuse le film de promouvoir des idées « étrangères à la société koweïtienne et à l’ordre public » .
Au Liban : le ministre de la Culture dénonce une œuvre qui « promeut l’homosexualité, la transsexualité qui ridiculise la mère, remet en cause le mariage et le père » .
En Algérie : le film, jugé contraire aux croyances « religieuses et culturelles », est retiré des salles presque un mois après sa sortie
Au Pakistan (Punjab) : projection interdite dans un premier temps, puis finalement autorisée après relecture et validation .
Ces décisions fusent parfois dans le vide, le film est tendre, délicat, sans visions explicites d’orientations ou de transidentité et pourtant, on y voit un Ken un peu trop efféminé, un féminisme léger, un rêve rose qui dérange.
Imagine Noisy-le-Sec, la ville qui a transformé les cratères en maisons expérimentales, découvrant que même un film à la fragilité girly peut provoquer une tempête où des jeunes menacent, brisent et obligent à annuler une séance gratuite de Barbie.
Le maire, dans un souffle ironique, rappelle : « il n’y a pas de zone interdite culturelle ici. » Une plainte est déposée, la projection est reprogrammée .
Voilà Barbie entre les barres d’immeubles et l’esprit des anciens combats, secouant des certitudes, pas avec des bombes, mais avec un slogan pop, un talon aigu planté dans le macadam, comme un pied au futur.
Ici, c’est la ville qui se rebâtit, qui apprend dans le décombres.
Là, le film pudique, presque enfantin, se voit jugé si dangereux qu’on en fait un interdit d’Etat.
Entre les deux, l’ironie se niche : ce qu’on croit fragile déclenche la plus grande des résistances culturelles, pas toujours pour des raisons crédibles.
Je pourrais continuer cette fable urbaine, creuser ce contraste entre béton et plastique, mémoire et simulacre, résistance réelle et censure décidée ,mais je laisse planer la poussière des pavillons comme un voile rose à méditer.
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