France TV - Le service public, la morale et le miroir du pluralisme

Delphine Ernotte face au Sénat, le service public, la morale et le miroir du pluralisme.

Devant la commission de la culture du Sénat, Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, a livré un exercice de rhétorique parfaitement huilé , défendre la mission du service public tout en réaffirmant une certaine idée du journalisme, celle de la raison face à la démagogie. 

L’audition, censée porter sur la stratégie audiovisuelle du groupe, a rapidement pris les allures d’un plaidoyer moral sur la qualité du débat public.

Au cœur du passage le plus commenté, Ernotte a pris la défense du journaliste Patrick Cohen, souvent présenté comme l’un des visages les plus sérieux de l’information publique, tout en visant implicitement Pascal Praud, figure populaire de CNews, symbole d’un journalisme plus polémique, plus ,sur le coter vérité des choses. 

Officiellement, il ne s’agissait pas d’attaquer qui que ce soit.

 Dans les faits, tout le monde avait compris le message , il y a, selon elle, des manières “responsables” et d’autres “dangereuses” d’informer.

Ce glissement du pluralisme vers la moralisation est au cœur du discours d’Ernotte. 

Elle parle peu de ligne éditoriale, mais beaucoup de “valeurs”, de “respect”, de “cohésion nationale”. 

Le vocabulaire institutionnel gomme la politique pour mieux la faire passer. 

La rhétorique n’accuse pas, elle encadre. 

Elle distingue les voix “constructives” des voix “déstructurantes”. 

Le procédé est ancien , donner l’apparence du dialogue tout en fixant les limites de ce qu’il est permis de dire.

Dans ce jeu d’équilibriste, la présidente de France Télévisions transforme la communication en gouvernance morale.

 Lorsqu’elle évoque les “violences verbales” de certains débats télévisés, elle ne cite personne, mais l’auditoire comprend. 

En agitant la menace d’une dérive, elle renforce sa position de gardienne du temple républicain. 

C’est un langage de défense préventive , le service public ne serait pas un acteur du conflit médiatique, mais le dernier rempart contre la cacophonie.

Ce procédé, que certains qualifient de “soviétique” pour son art de manier la vérité officielle sans mensonge direct, repose sur une idée simple , celui qui incarne la morale contrôle le récit. 

En se plaçant au-dessus du tumulte, Ernotte dessine un paysage où France Télévisions apparaît comme l’ultime garant de la raison, tandis que le reste du champ médiatique serait soumis aux passions.

Pourtant, le paradoxe demeure ,plus le service public se veut vertueux, plus il nourrit la suspicion de partialité. 

À force de moraliser, il offre à ses adversaires le rôle du franc-parler interdit. 

C’est la mécanique classique des médias institutionnels depuis une décennie, en prétendant protéger le débat, ils finissent par l’étouffer sous le poids de la vertu.

Cette audition sénatoriale n’aura pas seulement révélé une stratégie de communication, mais une fracture culturelle

D’un côté, le journalisme du cadre, celui des valeurs, de la régulation, de la parole policée. 

De l’autre, celui du bruit, de la contradiction, de l’opinion brute.

 Entre les deux, un public qui oscille, lassé des postures mais avide de vérité.

Au fond, la question posée par cet épisode n’est pas de savoir qui ment ou qui dit vrai. 

Elle est plus large, le service public peut-il encore incarner la neutralité ,quand la neutralité elle-même est devenue un camp ?




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