Elisabeth Bik : entre vigilance scientifique et tempête judiciaire
Dans les couloirs du débat scientifique contemporain, rares sont les noms qui cristallisent autant de passions que celui d’Elisabeth Bik.
Microbiologiste néerlandaise, ancienne chercheuse à Stanford, consultante en intégrité scientifique devenue figure publique depuis la pandémie, elle incarne pour certains la sentinelle indispensable d’une science plus rigoureuse.
Pour d’autres, elle représente la dérive d’un contrôle sans contre-pouvoir, accusée de harcèlement et de partialité idéologique.
À l’heure où plusieurs procédures judiciaires sont en cours et alors qu’un nouveau scandale l’éclaire d’une lumière plus crue encore, l’affaire Bik interroge , où s’arrête la vigilance ?
Où commence la mise en accusation systématique ?
Et qui surveille les surveillants ?
Une traque des images devenue marque de fabrique
Elisabeth Bik s’est fait connaître par un travail titanesque , examiner, souvent à la main, des milliers d’images publiées dans des articles scientifiques.
Western blots, gels d’électrophorèse, duplications involontaires ou retouches plus nettes , elle signale les anomalies, en général publiquement sur la plateforme PubPeer.
Son action a mis en lumière de véritables falsifications.
Elle lui a aussi valu des récompenses prestigieuses.
Mais son rythme de publication, parfois des dizaines de signalements par jour, a heurté une partie de la communauté scientifique, qui dénonce une méthode expéditive, souvent sans échange contradictoire.
L’IHU Marseille en ligne de mire.
Dès le début de la pandémie, les travaux de l’Institut hospitalo-universitaire de Marseille ont fait l’objet de centaines de commentaires d’Elisabeth Bik sur PubPeer.
Selon l’IHU, plus de 800 signalements en quelques mois.
Pour les chercheurs de Marseille, ces remarques portent essentiellement sur des imperfections de fond, des erreurs matérielles ou des artefacts liés à des protocoles à haut débit.
Les responsables de l’IHU dénoncent un « harcèlement industriel » et affirment que certains jeunes chercheurs ont quitté la recherche sous la pression psychologique.
Bik, de son côté, maintient que son rôle se limite à pointer des failles visibles dans le dossier scientifique, sans autre agenda.
Des plaintes pénales toujours en cours
En mai 2021, Didier Raoult a déposé plainte en France contre Elisabeth Bik pour « harcèlement moral » et « tentative d’extorsion ».
Le professeur Éric Chabrière, également membre de l’IHU, a saisi la justice à plusieurs reprises, visant Bik mais aussi le co-fondateur de PubPeer, qu’il accuse de laisser prospérer des campagnes hostiles.
Les enquêteurs disposent de dossiers volumineux , captures d’écran, attestations, certificats médicaux.
Les procédures suivent leur cours, sans jugement public à ce jour.
Aucun tribunal n’a pour l’instant confirmé ni infirmé les accusations les plus lourdes.
Le COMETS, comité d’éthique du CNRS, a rappelé dans un communiqué que la critique publique fait partie du débat scientifique, mais s’est également inquiété de la judiciarisation croissante de ces échanges.
L’ombre de uBiome
Autre fragilité dans la trajectoire de Bik , son passage par la startup américaine uBiome, perquisitionnée en 2019 par le FBI et poursuivie pour fraude à l’assurance.
Les fondateurs, aujourd’hui inculpés, sont en fuite.
Bik a travaillé dans l’entreprise entre 2016 et 2018, cosignant des brevets et occupant un poste de direction scientifique.
Rien n’indique qu’elle ait été impliquée dans les irrégularités financières révélées plus tard.
Elle affirme avoir quitté l’entreprise pour des raisons éthiques.
Ses détracteurs l’accusent d’avoir fermé les yeux.
Là encore, la justice n’a pas tranché.
La nouvelle controverse , la censure inversée.
Plus récemment, une enquête du collectif ScienceGuardians a remis Bik sur le devant de la scène.
Le 17 novembre 2025, une vidéo devenue virale accuse PubPeer d’avoir supprimé dix-sept commentaires visant des articles signés par Bik ou ses proches collaborateurs.
Captures d’écran et dates à l’appui, les auteurs affirment que ces signalements, certains portant sur des duplications évidentes, ont été effacés en quelques minutes.
France-Soir relaie immédiatement l’affaire.
L’argument-clé est clair , celle qui demande une transparence absolue n’accepterait pas que les projecteurs se tournent vers ses propres travaux.
PubPeer n’a pas fourni d’explication publique détaillée , Bik n’a pas commenté ces suppressions.
L’épisode entretient le soupçon d’un système à deux vitesses.
Un symbole d’une époque déchirée.
L’affaire Bik dépasse la personne.
Elle révèle une question plus vaste , dans une science fragilisée par la course aux publications, la pression médiatique et les fractures idéologiques nées du Covid, qui doit réguler l’intégrité ?
Entre lanceurs d’alerte, militants scientifiques, chercheurs sous pression, plateformes anonymes et tribunaux, le paysage ressemble parfois à un champ de bataille où se mêlent vérité, réputation et pouvoir.
Conclusion : une figure en clair-obscur.
Elisabeth Bik reste aujourd’hui une personnalité polarisante.
Ses soutiens la voient comme une vigie nécessaire dans un monde scientifique vulnérable aux dérives.
Ses opposants dénoncent une justicière hors contrôle, adossée à des réseaux militants et à des plateformes opaques.
L’enquête judiciaire, les révélations récentes et les contradictions de son parcours finiront peut-être par éclairer cette figure complexe.
Dans l’attente, le débat continue , celui d’une science qui cherche encore le juste équilibre entre rigueur, liberté critique et responsabilité éthique.
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