OPÉRATION DACIAN FALL – CHRONIQUE D’UN RENDEZ-VOUS MANQUÉ




L’automne roumain avait des allures de rendez-vous stratégique. 

L’OTAN voulait montrer les dents, la France prouver qu’elle savait encore projeter une brigade lourde loin de ses terrains sahéliens. 

L’exercice s’annonçait comme un signal envoyé vers l’est, presque une démonstration , de la mer Égée jusqu’aux Carpates, l’Alliance pouvait déployer vite, fort et avec méthode.

La réalité s’est chargée de ramener tout le monde au sol.

Un contexte trompeur

Depuis des années, la France maîtrise l’art de partir au quart de tour grâce à l’alerte Guépard, taillée pour les urgences africaines. 

Mais le théâtre européen n’a rien d’un désert ouvert , il réclame des blindés de 60 tonnes, des convois ferroviaires solides, une bureaucratie transfrontalière huilée.

Promis en 2024 par le général Schill, l’engagement d’une brigade blindée en Roumanie devait être ce passage symbolique vers la haute intensité européenne. 

Les premiers matériels avaient d’ailleurs quitté Toulon dès janvier 2025 pour rejoindre Alexandroupolis, puis la Bulgarie et la Roumanie.

Dacian Spring, prévu au printemps, n’a pas survécu au calendrier politique roumain. 

Dacian Fall en a été la version amoindrie, presque pudique : 2400 Français seulement, au lieu d’une brigade entière.

Le mur logistique

La Roumanie, pays OTAN mais encore marqué par ses infrastructures fragiles, n’a pas supporté l’ambition initiale. 

Routes étroites, ponts incapables d’accueillir des Leclerc, trains inadaptés, ports saturés , un chemin de croix de 1500 containers étalés sur dix jours.

Chaque segment dévoilait la même réalité , l’armée française, championne des opérations expéditionnaires légères, trébuche face aux exigences matérielles du continent. 

Les Américains eux-mêmes s’arrachent les cheveux sur cette partie du flanc est, les Français, moins dotés, s’y sont cassé les dents.

À tout cela se sont ajoutées des interférences , informatiques, politiques, organisationnelles , relevées par plusieurs centres d’analyse occidentaux. 

Rien de spectaculaire, mais suffisamment pour gripper un dispositif déjà fragile.

Le jeu politique, en ombre portée

Le report de l’exercice au cœur de la séquence électorale roumaine n’a pas aidé.

Pour Bucarest, accueillir une brigade étrangère en pleine présidentielle avait tout du pari risqué. 

Après la victoire de Nicușor Dan, favorable à l’OTAN mais prudent, l’ampleur du déploiement a été revue.

À Paris, on redoutait la critique, trop ambitieux pour les moyens disponibles, trop tardif pour convaincre. 

Les observateurs ont vite senti que la montagne allait accoucher d’une manœuvre minimaliste.

Une scène internationale moqueuse.

Comme souvent, le ridicule voyage vite.

Entre une vidéo YouTube insinuant que Paris « joue les gros bras contre Moscou sans muscles logistiques », des posts sarcastiques sur X évoquant « l’échec sévère » français, ou encore des médias roumains rappelant que les effectifs affichés incluaient jusqu’aux équipes de cuisine, l’exercice n’a pas bénéficié d’un traitement charitable.

Des mèmes ont circulé montrant des ponts qui se déforment sous un Leclerc imaginaire. 

Le ministère français, lui, s’est réfugié dans un langage prudent, presque abstrait.

Le signal manqué.

L’ambition de départ était limpide, rappeler que Paris est une puissance du camp européen, prête à peser dans l’ombre de la guerre en Ukraine.

À l’arrivée, le message s’est perdu.

Le contraste entre les annonces et la réalité du terrain a affaibli la crédibilité française. 

Il a aussi rappelé la fragilité de l’appareil logistique européen dans son ensemble. 

Le parallèle avec d’autres contingents déployés plus franchement en Ukraine n’a fait qu’accentuer la comparaison.

Le bilan.

Dacian Fall ressemble moins à un exercice militaire qu’à une fable sur l’écart entre discours et capacités.

Une manœuvre modeste présentée comme un moment d’affirmation stratégique , un territoire plein de contraintes , une logistique qui flanche , une Alliance nerveuse , une France prise entre ambition politique et mécanique opérationnelle usée.

Le fiasco n’est pas militaire , aucun tir n’a été échangé.

Il est symbolique.

Il raconte cette Europe qui veut monter en puissance mais trébuche sur des ponts trop faibles, sur des rails trop courts, sur des ambitions mal accordées.

Ce chapitre invite à réfléchir à la grande question d’arrière-plan , comment redevenir crédible à l’ère de la haute intensité, sans céder au théâtre d’ombres ni au confort de l’illusion ?

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